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DÉPOLLUER LES SOLS Des plantes au chevet des sols radioactifs

Malgré la présence de césium radioactif dans le sol de ce champ expérimental au Japon, les grains de ce riz génétiquement modifié en étaient exempts.

Le césium est abondant dans les sols contaminés à la suite d’accidents nucléaires. Pour limiter sa dispersion, certaines plantes peuvent être utilisées.

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« Suite à l’accident nucléaire à Fukushima, nous avons été sollicités par des chercheurs japonais », se souvient Nathalie Leonhardt, directrice de recherche en physiologie végétale au sein du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et spécialiste du transport des ions dans les plantes. Les sols autour de la centrale nucléaire étaient contaminés par le césium 137. Comme cet élément est très proche chimiquement du potassium, les plantes sont susceptibles de l’absorber. Il n’est de ce fait pas possible de faire de l’agriculture dans les zones contaminées.

Au départ, la stratégie adoptée pour dépolluer les sols reposait sur la compétition. En apportant de grandes quantités de potassium dans les sols, les plantes disposaient de davantage de ce sel minéral que de césium, ce qui réduisait l’absorption de ce dernier. « Cependant, nous avons observé que l’ajout massif de potassium déstabilisait le césium lié aux argiles du sol, le rendant ainsi plus soluble et augmentant le risque de sa migration vers les nappes phréatiques », explique Nathalie Leonhardt. Les scientifiques se sont en conséquence tournés vers la phytoremédiation*, un ensemble de techniques qui utilisent les plantes pour éliminer ou contrôler la pollution.

Des plantes hyperaccumulatrices

L’équipe franco-japonaise a tout d’abord entamé des travaux sur la phytoextraction. Il s’agit d’utiliser des espèces végétales en capacité d’accumuler le césium dans leurs parties aériennes (feuilles, tiges...) afin de l’éliminer du sol, puis de récupérer ces parties aériennes et de s’en débarrasser. Ainsi, le tournesol est naturellement hyperaccumulateur de cé­sium. Mais l’une des limites de cette approche est de sélectionner des espèces pouvant pousser dans les conditions pédoclimatiques particulières, comme par exemple à Fukushima. Les biologistes ne sont pour l’instant pas parvenus à identifier des plantes qui accumulent suffisamment d’éléments dans les parties aériennes sans procéder à de la manipulation génétique. Un autre défi majeur est le devenir des parties aériennes con­taminées. La seule solution, à l’heure actuelle, est de les incinérer puis de stocker les cendres avec d’autres déchets radioactifs.

Quelle production agricole sur des sols radiocatifs ?

Les recherches se sont alors orientées vers de la phytostabilisation. Cette technique vise à stabiliser les éléments radioactifs dans le sol au niveau des racines, pour éviter qu’ils ne migrent vers les parties aériennes des plantes ou les nappes phréatiques. La région de Fuku­shima étant à l’origine grande productrice de riz, les expérimentations se sont d’abord focalisées sur la céréale. Par le biais de la génétique, des chercheurs ont modifié ou supprimé le transporteur im­pliqué dans l’accumulation de césium. Les grains de ce riz étaient donc exempts d’éléments radioactifs et dès lors aptes à être consommés. Cependant, la production alimentaire dans ces zones reste un défi, notamment en raison de la perception du public.

Donc, au lieu de plantes alimentaires, les connaissances acquises sont désormais appliquées au chanvre industriel et au miscanthus. Ces végétaux, qui produisent une forte quantité de biomasse utilisable pour des applications industrielles – production d’énergie, matériaux... –, peuvent être plus facilement valorisés.

*Retrouvez « Des arbres pour limiter les microplastiques dans le sol », « Les sols, trop oubliés dans les projets paysagers »... et beaucoup plus sur lienhorticole.fr

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